J4 – Les adresses solidaires d’Arusha

The Shanga House

En voilà des beaux projets. The Shanga House, c’est un projet individuel né en 2007 avec les idées de Saskia Rechsteiner et soutenu depuis 2017 par la chaîne de lodges de luxe Elewana Collection. Une entreprise qui crée des emplois pour les personnes handicapées dans le domaine de la joaillerie (Shanga signifie « perle » en swahili), du verre soufflé, des accessoires en matériaux recyclés.On y trouve une forge, un atelier de souffleur de verre, des métiers à tisser, des machines à coudre, et l’énergie qui se dégage de cet endroit est étonnante. J’ai craqué pour les coussins éléphants en chemises recyclées ! 

Alors bien sûr, plutôt que de s’arrêter comme tout le monde au très très touristique Cultural Heritage Center qui ne soutient rien du tout et enrichit un déjà riche étranger, demandez à votre chauffeur de vous arrêter à la Shanga House, c’est situé dans l’enceinte de l’hôtel Arusha Coffee Lodge, au milieu des plantations de café de la sortie de la ville. C’est sur la route en rentrant de safari!

On a pris le temps de discuter avec Paul, un encadrant qui guide les visiteurs et présente les employés. En vidéo, Petite mise en scène pour nous ^^

Le centre de rééducation de Usa River et le café Tanz Hand’s

Comment on est tombé là-dessus? Au bord de la route Moshi-Arusha, une enseigne indique « Café Tanz Hand’s » et « Bakery ». Bakery, c’est boulangerie, et je peux vous dire que ça ne court pas les rues dans le coin. Donc on s’est arrêté, et là, oh merveille des merveilles, des brioches, du bon pain comme chez nous, des bretzels… des bretzels ???

Derrière cette petite échoppe, il y a un grand centre et un vaste projet. Il s’agit d’un centre de rééducation et de formation de l’église lutherienne du diocèse de Meru. Il est destiné également aux personnes handicapées qui souhaitent devenir autonome et obtenir des soins orthopédiques. Financé par l’église d’une part et par les revenus de la boulangerie et de la guesthouse, il permet à 70 jeunes gens de se former à la boulangerie, la couture, la charpente ou encore la serrurerie, tout en bénéficiant d’une rééducation suivie. Ils prodiguent aussi des conseils et des micro crédits aux familles des bénéficiaires.

Je vous invite à faire un stop pour acheter leurs délicieux pains et gateaux, c’est entre Arusha et la jonction de l’aéroport de Kilimanjaro, à Usa River appelé aussi « Maji ya Chai », l’eau du thé (pour sa rivière colorée par les sédiments). Soutenir en  faisant plaisir à ses papilles, c’est quand même un beau concept !

Demain, on reste dans le coin pour visiter le projet de mama Gladness. Stanley passe des coups de fils pour organiser les rencontres, il y a tout le temps des imprévus, des désistements, des retards, ça ne semble pas facile mais il parvient à suivre mon programme. Il y a quelque mois, quand je l’ai appelé en lui disant : « Stanley, j’ai besoin de toi, es-tu prêt à me suivre sur une tournée de repérages de Nairobi à Zanzibar? », on n’imaginait pas que cela tisserait des liens si forts entre nous. Au contraire, je l’ai prévenu: « Tu sais, après un mois ensemble on va peut-être se taper sur les nerfs! »

Il est le partenaire idéal car depuis longtemps il s’investit dans les causes solidaires, et comprend parfaitement ma démarche. Il me dit d’ailleurs que de toutes les agences et tour opérateurs qu’il connaît, personne ne s’investit autant dans la connaissance du pays et de ses habitants, dans la traçabilité des prestations et services, dans la recherche de compréhension des projets. Bon, s’il continue à me faire des compliments, on va peut-être très bien s’entendre !

J3 – Arusha, les Flying doctors

Objectifs de voyage : soutenir les comunautés

Mai 2017, nous voilà à nouveau en Tanzanie, avec un agenda très chargé pour les trois semaines à venir. Nous avons créé l’association Tumbili en 2015 pour promouvoir un tourisme solidaire en Tanzanie; depuis nous avons été présents sur les salons du tourisme alternatif du Grand Bivouac à Albertville,  Primevère à Lyon, Curieux Voyageurs à St Etienne, Solidarissimo à Colmar, et en juin 2018 le No Mad Festival de Cergy Pontoise.

Cette année, Tumbili se lance dans l’investigation concrète sur le terrain. Au programme: rencontres avec des associations,  projets culturels et économiques locaux, visites et sélection d’hôtels en fonction des critères de notre charte éthique, et enquêtes approfondies à coup de témoignages recoupés et de pièges de toute sorte pour un seul objectif: extraire la vérité ! Où va l’argent ? Comment sont rémunérés les employés? L’action est-elle suivie? L’impact sur la communauté est-il réel?

Comme vous allez le lire bientôt, nous allons rencontrer des personnes fabuleuses avec qui créer de solides partenariats, mais aussi de belles arnaques qui échappent à tout contrôle et se font un joli pécule au nom d’une prétendue solidarité…

Ne nous méprenons pas: nous sommes des gentils, et nous voulons accompagner les projets des locaux, mais nous savons pertinemment que si l’on n’est pas exigeant sur la traçabilité des fonds, beaucoup de sommes sont détournées à des fins de profit personnel. Mon ami Stanlee en a fait plusieurs fois les frais; un jour, il a aidé un centre pour handicapés à obtenir une aide d’une ONG. Mais quand il est allé vérifier pour elle, il a constaté que les fauteuils roulants avaient été vendus par un des responsables plutôt qu’utilisés pour les personnes du centre !


Mais d’abord quelques rencontres très intéressantes à Arusha, et des bons plans pour y séjourner.

Les Flying Doctors  

Créée il y a 60 ans pour permettre un accès aux soins aux populations kenyanes les plus reculées, l’AMREF-Flying Doctors est aujourd’hui présente dans 35 pays d’Afrique et soigne chaque année neuf millions de personnes. A l’époque il y avait en Afrique 1 médecin pour… 30 000 habitants, contre 1 pour mille en Europe (source AMREF).

Vous avez peut-être entendu parler de Mama Daktari, Anne Spoerry, la première Française à s’être engagée auprès de l’ONG, et la créatrice de la branche française.

Comme ils proposent aux voyageurs une adhésion pour être évacué en avion en cas d’urgence, j’ai voulu rencontrer la branche locale d’Arusha. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est le tarif d’adhésion, en fonction du nombre de personnes, cela ne varie guère que l’on soit seul ou en famille, et ce n’est pas très élevé vu le service rendu !

30 US $ pour deux semaines / 50 US $ pour un mois / 100 US $ pour un an

Bref après cet entretien avec le fort sympathique responsable marketing Daniel Mrema, j’étais convaincue ! Mais j’aimerais bien avoir des avis de gens qui ont eu besoin d’une évacuation. En tous cas, l’adhésion étant une participation à leurs campagnes d’accès aux soins pour les populations reculées, et de formations de sage femmes africaines, j’ai décidé de proposer systématiquement cette assurance aux voyageurs. Ils couvrent 500 km autour de Nairobi, donc tous les parcs du Nord de la Tanzanie.

 

Chez Laizer

Au travail !

J’aimerais vous parler de Laizer, le chef Maasai d’une grande boma (village). Il vit dans un enkang (ensemble d’habitations traditionnelles ceint par une clôture d’arbustes épineux) à l’est de l’aéroport, c’est le début de la grande steppe Maasai qui s’étend au sud jusqu’à Dodoma. Une terre très aride où les femmes font des kilomètres pour aller chercher de l’eau au puits, et d’où il faut partir en transhumance les mois les plus secs pour emmener les troupeaux paître l’herbe tendre des terres de l’ouest.

Laizer a décidé d’ouvrir son village au tourisme culturel afin de soutenir l’économie de la communauté, financer les formations des jeunes qui souhaitent poursuivre leur scolarité, développer l’élevage, aider aux frais médicaux des familles. A peine arrivés nous voyons les femmes occupées à la construction d’une maison pour les hôtes. Au boulot! Elles nous apprennent à faire le mélange de terre, eau et bouse de zébu qui va colmater les espaces entre les branchages et isoler très efficacement la maison.

dsc_0210

dsc_0211

dsc_0272

dsc_0271

Cette maison va permettre d’accueillir des voyageurs pour la nuit. Elle a été placée un peu à l’écart du centre du village, pour que chacun conserve son intimité. Auparavant les rares visiteurs dormaient là où je vais m’installer pour la nuit : ma claustrophobie sera mise à l’épreuve…

Mais déjà le bétail est en vue, et l’heure de la traite arrive.

dsc_0260

dsc_0255 dsc_0247

Je vais dormir dans une hutte traditionnelle, basse et colmatée de partout à l’exception d’un petit trou auquel je vais coller mon nez toute la nuit, car par bonheur il est à hauteur du lit.

dsc_0268

dsc_0262

Le lit est une litière de branchages, recouvert d’une couche de fourrage et de peaux de chèvre. Après avoir testé, j’ai décidé que, juste au cas où, on apporterait des matelas la prochaine fois, ou alors il faut vraiment rajouter deux-trois bonnes couches de fourrage!

En dehors du manque d’oxygène et du mal de dos,  j’ai passé une très bonne nuit ! Non, vraiment, sans ironie, il y a quelque chose de magique à dormir de la même façon qu’il y a mille ans, et je pense à ces éleveurs qui, en France, juste avant l’avènement de l’électricité, partageaient la maison et l’âtre avec les troupeaux. L’odeur des herbivores est mon odeur du bonheur! Les bruits des bêtes et leurs petits, juste à côté, les grillons, les hommes qui déroulent la langue Maa au dehors, le feu qui crépite, n’est-ce pas à vivre une fois dans sa vie? « Voir » les Maasais peut être un rêve, mais quand on le vit, on comprend que les autres sens sont bien plus émus: sentir, écouter, toucher « kimaasai » (à la manière Maasai).

A l’aube, en quête d’air frais, je sors de la hutte. Tout est endormi. Et là bas, discret comme parfois la lune peut l’être en pleine journée, un sommet se dessine à l’horizon. C’est le Mawenzi, à 5 149 mètres, qui émerge sur la plaine.

dsc_0236

C’est pas très impressionnant, en photo, comme ça… mais l’amas de nuage à gauche, s’il se déplace, c’est la splendeur du massif entier du Kilimanjaro qui apparaît; combien de fois je retiens mon souffle, combien de fois le sommet du Kibo joue à cache cache, surgit furtivement, disparaît à nouveau, par dessus, par dessous les strates cotonneuses!

Et nous voilà comme des anglais, à boire le thé au lait et les petits biscuits en parlant de nos cultures. Laizer me demande pourquoi les femmes mettent des pantalons. Je réponds que c’est pratique, et correspond à notre époque; qu’il y a longtemps, les hommes portaient des robes, comme ici, j’explique les Romains, Laizer explique ses traditions. Il pensent que les jeunes doivent avoir le choix, et soutient autant les gosses qui souhaitent faire des études que ceux qui restent à la vie pastorale.

Si je veux aller au marché Maasai? Evidemment!

Laizer prend mon appareil photo, qu’il gardera dans sa main ballante, mitraillant tous les recoins du marché sans aucun intérêt pour le cadrage et le niveau de l’horizon. Je poste ici celles qui par hasard, sont réussies!

dsc_0314

dsc_0303

dsc_0311

dsc_0290dsc_0302

dsc_0297

dsc_0285

dsc_0282

dsc_0295

Voilà un étal qui m’a fait grande impression: la médecine naturelle des Maasai ! Bien entendu j’ai demandé « c’est quoi ça? » pour la moindre poudre, épice, racine, herbe que ces petits sacs contenaient. Le vendeur est resté très patient malgré nos efforts interminables pour traduire un nom Maasai en swahili puis en anglais puis en français. J’ai bien entendu tout oublié depuis.  J’ai fini par acheter une poudre de racine de je ne sais plus quoi ( sijui en swahili ^^) contre le rhume, et … une bouse d’éléphant séchée. Enfin, de l’herbe digérée quoi. C’était le premier contact, depuis j’en ai fumé aussi, qui sait quand j’en mangerai !

Plus tard dans le séjour, à Babati, un gros rhume m’a terrassée toute une journée: le soir, trois cuillers de cette poudre (un goût de… terre au piment…) , une inhalation de caca d’éléphant, et tout est parti en une nuit. Je vous en ramène la prochaine fois? (Bon par contre je vais éviter de l’acheter car on en trouve par terre,  quand même ! )

Réflexions sur le tourisme culturel

J’ai décidé que j’inciterai les gens à passer la nuit chez les Maasai.  Parfois on m’avoue une crainte tout à fait défendable: « On ne veut pas aller dans les pièges à touristes » . Mis à part quelques villages du bord de la route en allant au Serengeti,  qui sont connus pour être des reconstitutions, un peu comme nos écomusées, on a peu de chance d’être déçu d’une visite aux Maasai, à condition d’éviter les visites éclairs bien entendu. Inutile de réfréner notre curiosité ou de craindre d’offenser ce peuple qui a un grand sens de l’humour et peu de sujets tabous.

dsc_0207

Bien entendu, si l’on sent que les villageois font des démonstrations à contre cœur, s’ils ont une mine contrariée, il peut y avoir un problème, mais dans ce cas, je suggère de leur parler. Rien n’empêche de leur dire qu’on ne peut pas apprécier qu’ils fassent quoi que ce soit de manière forcée. Cela m’est arrivé chez les Hadzabe. J’étais indignée qu’un grand père qui avait manifestement mal à une jambe participe à la danse. Je l’ai dit, il m’a remerciée, s’est arrêté,  et j’ai décidé de ne plus jamais envoyer de voyageurs chez les Hadzabe. C’est très différent pour eux. Ils ne connaissent que très peu le monde qui les entoure, ils ne croient pas que tout change, alors qu’ils sont anéantis par le tourisme forcé. Les Maasai, aujourd’hui, proposent du tourisme culturel de leur plein gré. Si on a des doutes, pourquoi ne pas se renseigner: combien gagne le village sur votre visite? Combien pour l’agence? Est-ce équitable? Poser ces questions, après tout, c’est s’enquérir du bien être de nos hôtes.

dsc_0250

Bienvenue chez les authentiques Maasai de 2017 !

dsc_0243

Jour 7: le départ en safari

Le Parc du Lac Manyara

Le chauffeur, Idir, charge les vivres sur le toit. Suleiman, notre cuisinier, est parti chercher les lunch box pour midi. Ally vérifie le nombre de paires de jumelles, les papiers du véhicule. Les Allemandes avec qui je vais partager le 4×4, Verena et Linda sont souriantes et calmes. Comment font-elles? Je suis surexcitée, difficile de ne pas le montrer!

Partir de Moshi a un avantage considérable si le temps est clair: On commence le voyage avec une vue splendide sur le Kilimanjaro. J’ai du mal à en détacher le regard, il est là, enfin, nu, sans même sa petite couronne de nuages, très net pour une fois. C’est une merveille du monde.

A Arusha, c’est le Mont Meru qui domine, mais nous le quittons sans regret car la route de Babati s’ouvre à nous, et cette fois, pas pour aller à Ndareda, mais bien pour pénétrer dans les parcs nationaux.

Après 3h30 de route nous entrons dans le Parc du Lac Manyara. La forêt est dense, on scrute à travers les arbres. Les mouches tsé-tsé ne se font pas prier. On ne sait pas à quoi s’attendre finalement. Est-ce que l’on ne va pouvoir apercevoir que des animaux de très loin? Soudain le chauffeur ralentit… un petit dik-dik immobile à la lisière du bois retient son souffle. Ca y est, c’est notre première rencontre avec un animal sauvage d’Afrique de l’est!

On s’attend à ce rythme pour la suite: quinze minutes à scruter, puis un animal caché derrière un arbre. Mais on réalise qu’il n’y a pas de règle quand un éléphant casse une branche bruyamment à 10 mètres de nous et sort de la forêt en direction de la savane. Surprise! Un petit surgit lui aussi et rattrape sa maman. Les premiers éléphants, on les suit doucement, et on les regarde longtemps…

culd'éléphant

Cet après midi au Lac Manyara, nous voyons des zèbres, gnous, gazelles, buffles, des éléphants, girafes, phacochères. Quelle joie à chaque nouvelle espèce! Il y a un endroit où l’on peut descendre du véhicule pour se dégourdir les jambes en observant aux jumelles les milliers d’oiseaux du lac. Pélicans, flamands, ibis, cigognes, grues, marabouts, il paraît que 400 espèces y cohabitent.

Vers 17h30, il faut sortir du parc; les règles du TANAPA (Tanzanian National Parcs) sont très strictes. Les voyageurs doivent être à l’hôtel avant la nuit, et celle-ci tombe tôt!

Nous passons la soirée au dans un petit hotel de Mto wa Mbu. Notre cuisinier nous fait un repas excellent, et nous sert à table avec une grande classe, en annonçant le menu, puis en présentant chaque plat qu’il amène.

Trop fatigués pour profiter de la piscine, je m’endors en rêvant à nos futures rencontres… les lions n’étaient pas au rendez-vous aujourd’hui, mais sur cinq jours, j’ai bon espoir…

Jour 18: Moshi

Accueil et premiers pas dans la ville

Je suis donc arrivée par bus dans la ville de Moshi située au pied du Kilimanjaro. Mais la montagne est invisible, entre brume du matin et nuages de l’après midi. Autant le dire tout de suite: en une semaine, je n’en verrai pas le moindre bout. Une fois, à la nuit tout juste tombée, j’ai pu distinguer quelques contours, et au décollage de l’avion, au loin, le sommet par-dessus les nuages. En juin, la montagne reste cachée. Tous ces kilomètres parcourus pour ne pas voir d’animaux sauvages ni le toit de l’Afrique. Est-ce bien raisonnable?

la cour de mama Andrea

Stanley et sa mama Andrea m’ont chaleureusement accueillis dans leur maison de 5 pièces autour d’une cour dans le quartier de Soweto. Stanley était joueur de foot professionnel jusqu’à ce qu’il soit renvoyé de l’équipe au profit du fils du capitaine, une sombre histoire de bakshish et de pistons. Aujourd’hui il est professeur d’informatique dans un orphelinat de Moshi., le Mkombozi center.

Mama Andrea

A Moshi, ce n’est pas si différent d’Arusha. Il y a une mosquée, une église et un temple dans la même rue, un marché, du bon café, un police mess, une clock tower, une gare routière…

J’avais dans l’idée de me faire faire une robe avec un tissu de Tanzanie: Stanley m’accompagne pour acheter du tissu et m’amène à une couturière, Irene. Elle prend mes mesures, je lui dessine à peu près le patron, et en quelques heures elle me fait un joli ensemble jaune et rouge pour 10 $ (25$ de tissu). Je lui donne plus, tellement gênée que le tissu coûte plus cher que toutes ces heures de travail. Alors elle me fait une petite trousse avec les chutes de tissus. Quand je reviendrai, je retournerai la voir.

Irene au travail

 Le soir, Stanley m’emmène manger dans une gargote du quartier où un monsieur avec une toque blanche fait cuire des chipsi maiai (omelettes aux patates), un plat très typique à prendre sur le pouce et adoré des Tanzaniens! Le « Chef » découvre un hérisson derrière ses coquilles d’oeuf…

hardi hérisson

 

Je me demande si je ne vais pas quand même faire au moins une journée dans un parc animalier, ce serait dommage de passer à côté. Peut-être que ma maman pourrait m’envoyer une rallonge par Western Union? « Allo, maman? … »

Jour 16-17: Retour à Arusha

La panne

Steffi et moi sommes parties de Dareda pour Arusha où Avédis nous rejoindra demain. Le plan: fêter mon anniversaire ensemble dans un restaurant.

Au bout d’une dizaine de kilomètres, l’express tombe en panne, évidemment, au milieu de nulle part. Il paraît que si ça n’arrive pas une fois durant le séjour, on n’a pas vraiment vu l’Afrique. Je passe l’attente au soleil, les bébés qui pleurent, le bus d’après qui passe sans s’arrêter alors qu’il est moitié vide… Le chauffeur décide d’acheter de la canne à sucre pour tout le monde à un marchand ambulant. Un geste apprécié par tous! Enfin un autre express vient nous chercher. A Arusha, nous trouvons une petite pension derrière la gare routière, sans eau chaude mais très propre. Demain c’est mon anniversaire et je prévois de retrouver Melvin et Mike, car la semaine dernière ils m’ont gracieusement offert des bières, à manger, des parties de billard alors que j’avais oublié mon porte monnaie. et Dieu sait qu’ils ont peu d’argent. A mon tour de les régaler. En attendant, c’est soirée reggae à l’Empire entre copines!

Friendly birthday 

On est dimanche, j’ai 34 ans aujourd’hui, et on mange la nyama choma au police mess avec les copains de là-bas. On fait un atelier scoubidous, on joue au billard tout l’après-midi au Mamcho Garden, puis entre francophones, on va à l’Impala, un bon restaurant indien pour finir en boîte au Babylone, à faire des jeux à boire. Le Konyagi, ça tape. Heureusement que ça n’arrive qu’une fois par an! J’ai passé de très bons moment avec Avédis et Steffi; demain je vais poursuivre mon voyage à Moshi, chez Stanley, est-ce que ce sera aussi bien?

Jour 10 : Peaceful Arusha

Douces réflexions

Il y a quelque chose d’impalpable qui se dessine ici. Le temps, d’abord, ne s’écoule pas de la même façon. Je suis arrivée tourmentée, en fuite. Avant ce voyage, j’attendais que le temps panse mes blessures. Puis j’ai eu recours à l’espace, j’ai mis de la distance entre la cause de mon tourment et moi. Aujourd’hui pour la première fois depuis plus d’un an, je ressens les prémisses de ma guérison. Ici j’apprends à ne faire qu’une ou deux choses par jour et m’en trouver bien.

Je pensais que ça me rendrait folle, cette lenteur africaine, cette façon d’ignorer le souci du lendemain, cette éternelle absence de ponctualité. Maintenant, je m’arrête tous les dix pas pour discuter avec des inconnus, je prends le temps d’observer le rythme lourd des mamas fatiguées, la gravité des visages des enfants, la résignation des jeunes cachée sous une joyeuse insouciance.

Le ciel bas et gris dissimule le Mont Meru. Hamna Shida! Je ne suis plus pressée de le voir. Ce matin j’ai marché aux côté d’Osman, vendeur de T-shirts sur lesquels on peut lire: « Mimi ni Mzungu, lakini sina pesa! » = « Je suis Blanc mais je n’ai pas d’argent! » Osman m’a salué d’un  » ça roule, ma poule? ». Ca fait un drôle d’effet. J’ai ensuite fait la connaissance de Fikiri « celui qui réfléchit ». Les gens de la rue se donnent volontiers des surnoms. Fikiri est veuf avec deux petits enfants. Il dit que son épouse s’est faite renverser par une voiture il y a deux ans. Melvin et Mike m’ont confirmé son histoire, tout en me faisant comprendre que rien n’est sûr. On préfère parfois inventer une histoire quand la vérité nous semble honteuse. Le sida fait des ravages, mais jamais on ne prononce son nom.

Le retour du scoubidou

Derrière le musée d’Arusha – j’en aurai fait tout le tour- se trouvent quelques échoppes tenues par des vendeurs un peu plus chanceux. C’est là que je rencontre Seleman, un grand rasta qui ponctue toutes ses phrases de « One love » ou « Jah live ». Il fabrique des bijoux en perles, façon Maasaï, et vend toutes sortes de souvenirs, peintures tinga-tinga, sculpture d’animaux en bois, tissus africains. La journée, il est ici; le soir il prend un stand à la sortie des discothèques d’Arusha et Moshi.

Atelier tissage

J’ai sur moi des fils à scoubidous que j’avais apporté dans l’espoir de faire un atelier pour les enfants. Mais c’est le cœur des vendeurs de bijoux que j’ai conquis en quelques secondes! Nous passons l’après-midi à tisser les fils en plastiques. Seleman me demande de lui en envoyer à mon retour en France. A nos côtés, le marabout du musée déploie ses larges ailes. Je crois qu’il apprécie notre compagnie.

Je rejoins Melvin au Mamcho Garden. La serveuse est tout sourire, je me sens presque habituée! Au bout d’une heure, elle revient, l’air gênée, et parle à Melvin en swahili. Il m’explique qu’elle a fini son service, mais n’ose pas nous encaisser de peur d’être impolie. C’est un comble! Je la rassure en lui disant qu’en Europe, on encaisse souvent en suivant, et que nous n’y voyons aucun mal. Il y a des restes de colonialisme, par ici!

En fin de journée, je passe à la gare chercher mon billet de bus pour Babati. Demain, je pars pour quelques jours chez un couchsurfer français qui travaille dans un hôpital de brousse, pour une ONG. Osman, que je croise au milieu d’un rond point, me lance: « Tu n’as toujours pas vu le Mont Meru? Alors peut-être, retourne-toi! » Derrière moi, je vois enfin le sommet de la montagne, dégagé, dans les rayons du soleil couchant. Voilà, je peux quitter Arusha.

Jour 9 : les « expats »

Attrapez-le!

En fin d’après-midi, j’ai contacté un couchsurfer français qui travaille à Arusha, histoire de le rencontrer autour d’un verre. C’est Damien, il a une agence de safari ici. Son père était déjà expatrié, il a vécu dans beaucoup de pays différents.

Vue sur le marché

Nous nous sommes donnés rendez-vous sur la Sokoine Road. Au téléphone, je lui demande de quoi il a l’air. Ca le fait rire, et je comprends pourquoi: impossible de se rater! Deux Blancs se repèrent à 200 mètres parmi les Noirs. Damien m’invite à venir chez lui. C’est un grand appartement dont le balcon donne sur l’arrière du marché. Soudain une forte clameur publique se fait entendre. Depuis le balcon, nous assistons à un mouvement de foule généralisé: en bas au marché, tout le monde se met à courir en hurlant, c’est très impressionnant.

« Un voleur, me dit Damien. Quand un voleur se fait repérer, tout le monde le poursuit, et il passe un sale quart d’heure… »

Je pense à mes copines d’adolescence les « tchoureuses » avec qui je chipais des petites choses dans les magasins… c’est drôle,  selon les gens, les cultures, le vol en magasin est considéré comme un grave délit ou comme une bêtise puérile. Ici, voler quelqu’un, c’est le déposséder de beaucoup, et mineur ou pas, la punition est dure.

Fatigués du bruit, nous fermons les fenêtres. Damien me propose de se retrouver après son dîner d’affaires pour aller « faire la fête ». Il me confie gentiment les clés de son appartement et me laisse seule.  Au bout de quelques minutes survient une coupure d’électricité qui me plonge dans l’obscurité totale. Je décide de sortir prendre un repas sur le pouce.

Les rues sont noires, seuls quelques petits restos indiens fonctionnent au groupe électrogène. Dans la nuit, je ne vois personne, mais tout le monde voit ma peau claire. J’entends des « mambo » et je réponds « poa »,  je n’ai pas peur… Damien me dira que je n’ai pas été bien prudente à me promener dans des ruelles pendant la coupure d’électricité… moi je suis sûre que ma confiance me protège.

Saturday night fever

J’avais envie de retrouver des français, eh bien je les ai eus. Deux petits coqs. Damien et son « meilleur pote » Yannick ont ramené trois minettes avec eux. Une américaine en stage au tribunal d’Arusha et deux françaises qui bossent dans une ONG. Déjà, elles étaient sapées si sexy que je faisais office de la copine moche avec mon vieux pantalon de toile kaki. Pour aller à 500m, Damien a voulu prendre sa voiture, juste pour la faire ronfler et lui faire des petites pointes de vitesse pour épater les filles. Là, j’ai sentis arriver… la colère, le mépris, et la soirée pourrie.

Nous sommes entrés au Via Via café, situé à droite du Musée. Damien a commencé par faire « celui qui connaît bien le videur » et, grand seigneur,  il a payé toutes les entrées. Le Via Via café est un charmant petit bar avec jardin. Il y a un groupe qui joue de la musique Tanzanienne, c’est à dire une musique qui ressemble à celle de nos Dom Tom, ce qui peut surprendre pour qui s’attend à des mélodies comme on en trouve en Afrique de l’Ouest. Je reconnais la chanson la plus connue, celle qui est dorénavant destinée aux touristes:

Dans mon carnet de voyage

Ici un lien pour cette chanson avec un arrangement terrible!

J »ai appris cette chanson en 2004, quand j’habitais Perpignan. J’entends encore ma copine Lætitia la chanter. J’avais déjà décidé d’apprendre un jour le swahili et de partir en Tanzanie.

Damien a décidé de nous emmener dans une boîte locale pour danser. Elle se trouve à côté du Mamcho Garden. A l’intérieur, je décide de ne pas me laisser abattre et danse comme une petite folle sur du RnB. un grand écran passe des clips qui se ressemblent tous: un chanteur congolais à bijoux rutilants et lunettes noires, et des poulettes moitié nues engluées contre lui. Yannick est complètement statique au milieu de la piste, j’ai l’impression qu’il fait une crise de tétanie. Nous sommes les seuls Blancs, et l’ambiance n’est pas fameuse, sans doute à cause de l’attitude arrogante de Damien. A la sortie, sur le parking, il se met à parler très fort de safaris, de marques de 4×4, d’argent… c’est démesuré, irrespectueux, j’ai honte pour lui.

Je passe la fin de la soirée, mais on a atteint le sommet de la connerie en deux détails de la conversation:

Yannick a un chauffeur, il n’a jamais pris un matatu tellement il flippe. Il ne fréquente pas de locaux.

Jessica ne sait pas si elle habite au nord ou au sud d’Arusha, elle n’a pas regardé un plan depuis 4 mois qu’elle est là.

J’ai quand même dormi chez Damien, il était trop tard pour un bus; mais le matin, je suis partie aussi vite que j’ai pu.

Les prénoms des gens de qui je dis du mal seront toujours remplacés par des faux hihi!

Jour 8: Arusha Ces gens qui y vivent

Wildlife Society

Enfin de vraies rencontres! Ce matin j’ai réussi à joindre Franklin, le fameux vétérinaire dont j’avais le contact. Alors, je ne sais pas s’il est vétérinaire, mais il travaille à la Wildlife Society dont les bureaux sont au National Museum. Il se trouve au nord de la Boma Road, un quartier que j’ai assez arpenté hier pour le connaître.

Pauv'bêtes!

Passée la grille d’entrée, je cherche le bureau de Franklin quand je tombe sur une pièce remplie de trophées animaliers, un atelier de taxidermie. Au milieu de cet alignement de têtes mortes, un ouvrier me regarde en rigolant, je dois faire une drôle de tête… Il a la gentillesse de m’amener à Franklin.

Franklin est un large monsieur à l’air paisible qui parle peu et écoute attentivement ce que j’ai à lui dire: que je souhaite faire du bénévolat, me renseigner sur les possibilités d’approcher les animaux autrement que dans un Land Cruiser en safari, pour lequel je n’ai d’ailleurs pas de budget. Franklin me fait passer de l’espoir au découragement toutes les dix secondes:

– Oui il est possible de faire un stage à la Wildlife Society.   🙂

–  Mais il faut s’engager au moins trois mois.   😦

– Mais il a peut-être un contact qui peut me prendre une semaine.   🙂

– Mais ce n’est pas avec les animaux sauvages, c’est un vétérinaire de bétail.   😦

– Mais il va soigner le bétail des Maasaïs.   🙂

– Mais pas cette semaine.   😦

Il me dit de l’accompagner chez le vétérinaire en question, à deux pas. En chemin, nous croisons une petite termitière en construction sur un trottoir, je m’arrête pour l’observer. Il me sourit : « Ah oui, si même ça, ça t’intéresse, c’est que tu es une vraie! Tu vois, là elle est presque plate; mais si tu verses un peu d »eau, demain, elle dépasse ta hauteur. »

Babi Marabu

Le vétérinaire est absent, nous revenons donc au bureau. Dans l’entrée du musée,  Franklin dit soudain qu’il veut me « présenter quelqu’un de très vieux ». Je suis intriguée par cette introduction. Dans le jardin derrière le musée, il y a un marabout tout pelé. Il n’est pas très sauvage. Il y a quelques années, on l’a trouvé blessé.  Il a été soigné ici, et depuis il se promène librement. Il ne peut plus voler. De près, sa taille est moins impressionnante : les marabouts des rond-points de Nairobi me paraissaient géants.

Franklin me donne rendez-vous le lendemain au siège d’un autre organisme de protection de la nature pour tenter quelque chose avec eux. Je retourne vers le centre.

Mamcho Garden

Je rêve d’un endroit calme, comme un parc, avec un café à l’extérieur. Mais ce n’est pas l’Ecosse, bon sang! Je dois m’efforcer d’avoir des envies réalistes.

Comme je suis plantée à réfléchir à l’endroit où je vais pouvoir aller, un petit gars s’approche et me demande poliment s’il peut m’aider. Je lui explique donc que je cherche les jardins de l’université de Glasgow. On dirait que ça lui parle, car il me propose de le suivre. Juste avant le pont de la rivière Naura, je découvre sur la droite un petit café local avec des tables dehors, disséminées sur une pente en terrasses qui descendent vers la rivière, au beau milieu d’une bananeraie. Aaaaaah! Pour la peine, j’invite mon guide à boire un verre.

Au Mamcho Garden

Melvin m’explique que son travail consiste à rameuter les clients vers la boutique de son patron. Il ne m’a même pas poussée à aller voir les articles qu’ils vendent, ce que j’apprécie beaucoup. C’est un garçon à l’air doux et intelligent; il me confie qu’il rêvait de devenir avocat pour défendre les droits de l’homme dans son pays. Il m’apprend l’existence du tribunal pénal international d’Arusha, qui juge les crimes de guerre commis au Rwanda (la Tanzanie et le Rwanda font partie de la Communauté d’Afrique de l’Est). Malheureusement, Melvin a perdu ses parents, n’a pas été assez bon à l’école et n’a jamais eu assez d’argent pour entamer des études. Bientôt son copain Mike nous rejoint, le bonnet vissé de travers sur ses oreilles décollées, il a une telle bonne humeur contagieuse que je l’invite également à boire un verre. Nous passons  deux bonnes heures à s’apprendre des mots de swahili et de français. Ce sont les personnes les plus gentilles que j’aurai connues à Arusha.

Jour 7 : Arusha premiers pas

Le matatu

Au bord de la route, mes 300 Tsh dans la main (15 cts), je vois arriver le matatu dans un nuage de poussière rouge. On peut se mettre n’importe où sur son trajet, faire un signe, il s’arrête. Je pense à ces chauffeurs de bus en France contre lesquels j’ai si souvent fulminé parce qu’ils n’ouvrent pas les portes en dehors des arrêts, même quand c’est le dernier à minuit…

Tout s’appelle Kili ici!

Dans le matatu, je déchire ma basket en toile qui s’accroche à un bout de ferraille. Merde! Il faudra bien qu’elles tiennent encore 3 semaines. Je prends une place près d’une fenêtre au fond, mais quelques arrêts plus loin, je me retrouve écrasée contre la vitre car trois mamas se sont entassées sur ma banquette, et nous n’avons pas la même corpulence! Heureusement, je me suis fait bouillir de l’eau ce matin, je crève de soif!

Matatu signifie « trois », car c’était le prix du trajet quand il a été créé au Kenya. Chaque matatu a un chauffeur et un auxiliaire qui fait monter et descendre les gens et récolte l’argent. Pour dire au chauffeur de s’arrêter ou de repartir, il frappe deux coups sur la carrosserie. Quand c’est le moment de récolter l’argent, il secoue sa main pleine de monnaie sonnante et la tend vers chaque

Jésus et sa mère… ah non c’est Béyoncé!

passager.

Le plus important dans le matatu, c’est son style! Chaque matatu a un petit nom ou un slogan sur de gros autocollants colorés, genre le camion de Marcel le routier, mais pour les transports en commun. Et la musique diffusée colle à l’étiquette. Il y a des matatu rasta par exemple, rouge jaune vert, avec des portraits en graf de chanteurs célèbres, il y en a des chrétiens avec des signes de paix et des images de Jésus, et les plus intéressants sont ceux qui mélangent tout!

On m’a dit: « Au Kenya, on appelle ça des matatus et en Tanzanie des dala-dala, ça désigne le même type de minibus ».  C’est vrai dans le nord, mais en réalité les dala-dala sont des camionnettes à Zanzibar avec deux bancs en bois derrière où les passagers se font face.

Autour de la clocktower

La clocktower m’a été indiquée comme le centre de la ville. Mais personnellement je me sens un peu à l’est (c’est mieux que de l’autre côté), et surtout je vais apprendre qu’il y a plusieurs clocktowers en ville, faut pas se tromper. Je remonte la Boma Road pour prendre un plan à l’office du tourisme. Le Safari Hotel se trouve en haut de cette rue. C’est le coin des touristes. Donc c’est le coin du harcèlement par les vendeurs locaux.

« Olà! Olà!

Je me retourne: – Are you speaking to me?

-Si signora, buenos dias! Qué tal?

-Heu buenos dias, muy bien… why do you think I’m spanish?

-Because of your red hair, where are you from?

-France

– Ahaa! Paris ye t’aime ah la la monamour! Safari madmoizel?

– No thanks, no money no safari… »

Hé voilà, ça, tous les jours, au début ça fait rire, ensuite on se promène avec un petit nuage noir au-dessus de la tête comme dans les BD.

A mi-chemin du Caire et de Cap Town, la clocktower d’Arusha

D’ailleurs, c’est nuageux, on ne voit pas le Mont Meru, et puis j’ai le cœur un peu lourd…Moi, j’ai bien besoin d’aller prendre et donner des nouvelles de mes proches dans un cybercafé, et boire un bon café kenyan. Je ne sais pas du tout ce que je vais pouvoir faire de mes journées. Un couchsurfeur m’a donné  le contact d’un vétérinaire, peut-être un peu de bénévolat? Si Arusha m’ennuie, j’irai chez mon prochain contact, un français qui vit vers Babati plus au sud.

Le marché

J’ai retrouvé Daniel, mon jeune allemand barbu, au Safari Hotel, et il m’accompagne au marché central pour acheter des légumes. Dès qu’on arrive, quelques jeunes garçons nous demandent ce qu’on cherche, insistent, nous proposent des fruits… pas moyen d’être tranquille. Daniel m’explique que les mamas ne parlent que kiswahili, et les gamins qui parlent un anglais correct, font l’intermédiaire et glanent queqlues pièces au passage.  Pour ma part je préfère parlementer avec les mamas, en remplaçant par des signes les mots que je ne connais pas, mais les gamins ne l’entendent pas comme ça, ils se mettent carrément entre elles et moi. Je cède et leur demande des avocats, des tomates, des oignons. C’est la saison froide et le choix est restreint.

Le marché couvert vu d’en haut

J’ai un  accrochage avec un des petits intermédiaires, car je refuse son prix et il se fâche. Je crois qu’il avait besoin de lâcher tout ce qu’il avait contre les touristes, car il l’avait vraiment mauvaise. Il me demande agressivement si c’est un jeu pour moi, de marchander; je lui répond que je paierai un prix juste, pas multiplié par cinq. Finalement la tension monte alors je lui paie le prix qu’il me réclame, je ne veux pas attirer la police corrompue qui patrouille et adore draguer les Mzungus (Blanches). Des gamins de sept-huit ans nous proposent de porter nos sacs jusqu’à la route en échange de quelques pièces.

Ce léger conflit me plonge pour l’après midi dans une réflexion amère. Je sais que j’avais raison, j’ai demandé et comparé les prix à de nombreuses reprises depuis. J’aurais aimé lui expliquer, à ce gamin qui me prend pour une riche qui l’exploite, que je dois aussi faire attention, que je ne me sens pas en vacances, que j’ai vidé mon compte pour partir loin de ce que je fuyais, que je n’ai pas d’économies, que d’ailleurs les riches ne sont pas tous des cons, et que les pauvres en comptent un bon nombre. Comment pourrait-il comprendre, lui qui n’a pas comme moi de quoi s’offrir un petit-déjeuner, qui a sans doute une famille qui compte sur son revenu, qui ne voit passer que des touristes super-équipés et des stagiaires du tribunal qui claquent leurs sous en alcool le week end?

Et ce n’est pas la dernière fois que ma conscience travaille, se révolte ou s’apaise…

Daniel n’a pas bronché, pas pris partie dans notre dilemme; il m’a paru un peu poltron sur le coup. Et du coup, le jeune lui disait : « You are a good guy, but your wife (!), bad woman, bad! » Pff, facile d’avoir le beau rôle, quand on n’ose pas donner son opinion!

Fatiguée, je rentre avant la nuit et me cloître dans la petite maison de Njiro. Je cuisine, me plonge dans mon livre « la Ferme Africaine », j’écris, fais un peu de lessive… difficile de sortir de l’affect quand on n’a personne à qui parler. Autant aller se coucher!